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Oeuvres en chantier - Vie Privée - Marianne Berenhaut, 30 ans de sculpture
Emission réalisée fin 2001.
Depuis les années 70, Marianne Berenhaut récupère des objets de la vie quotidienne, et les réassortit dans des mises en scène d'une grande intensité dramatique ou comique, parfois les deux en même temps. Bien qu'elle n'aime pas cette appellation, elle crée des "installations", le terme passe-partout qui désigne la presque totalité des créations contemporaines en trois dimensions. Elle reconstruit, avec des objets récupérés ou des matériaux usagés, les fragments d'un monde que ses habitants ont quitté précipitamment, en abandonnant derrière eux des indices. Elle accumule des traces d'êtres arrachés à leur quotidien par quelque événement inexorable, et dont on sent la disparition irréversible; escarpins de femmes sur une mosaïque de vieux balatums; chaises entrechoquées d'une classe de maternelle, landau de nouveau-né, juché sur une échelle en forme de rail... Tout évoque une violence latente, l'impuissance tragique des êtres qui l'ont subie et des témoins qui s'interrogent sur elle, longtemps après.
Ces associations d'objets familiers leur confèrent une aura, une intensité telles qu'ils en acquièrent presque une valeur d'êtres en souffrance comme si tout le pathos s'était réfugié dans ces modestes ustensiles, reliques de la vie perdue. Les sculptures appartiennent à des ensembles appelés poupées-poubelles, puis Vie privée. Depuis 1998, l'artiste fait appel à d'autres émotions, la sensualité, le jeu, la vie...
Pour permettre le tournage du film, l'oeuvre de Marianne Berenhaut a été réunie sur plusieurs étages d'un ancien atelier industriel de la rue de l'Escaut, à Bruxelles. Plusieurs décennies de sculptures qui toutes, témoignent de façon indirecte des deux faces du XXe siècle, le progrès et la barbarie, la profusion et la convulsion. Une oeuvre très forte, peu connue, parfois dure...
Tout le film exprime la vérité intérieure de l'artiste, ce qui l'a poussée à traduire dans son oeuvre la tragédie du XXe siècle, de façon secrète, allusive. Il converge vers la révélation finale de cette vérité cachée par l'artiste, qui accepte de se livrer parce qu'elle estime que pour elle, la page est tournée non pas sur la tragédie qui l'a frappée, collective et intime à la fois, mais sur la nécessité d'en témoigner par la sculpture.