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Nous ne savons jamais ce que voient les yeux des femmes que nous regardons ! - Karen Vanderborght
« Nous ne savons jamais ce que voient les yeux des femmes que nous regardons ! » est une série de portraits de femmes documentaristes réalisés par Michel Jakar. Y a -t-il un regard spécifiquement féminin, une manière d'appréhender le réel et de filmer propre aux jeunes femmes, réalisatrices de documentaires ? En conversation avec Michel Jakar, elles se racontent, évoquent leur travail et finalement doivent se définir face à l'objectif d'une caméra qui s'abreuve de leurs films. Ce portrait est consacré à Karen Vandenborght. Mercredi 24 sept. 1997, intérieur jour, dans l'atelier où Karen Vanderborght 'triture' la pellicule de ses films expérimentaux, l'antre où elle filme et refilme de nombreuses fois les mêmes images, quitte à en faire disparaître la lisibilité première. Sérieuse, presque inquiète qu'on lui tire le portrait, la jeune femme affirme vouloir « tordre le cou à la réalité ». La pellicule lui sert de matière première et elle la traite comme telle, à coup de substances chimiques et de savants grattages. Les effets obtenus sont pour le moins bizarres, parfois inattendus, mais tendent toujours vers le plus visuel, le plus sensuel. Les objets filmés n'ont alors plus la même importance, et l'intervention de personnages ne sert pas d'autre but que l'objet film lui-même. Une subjectivation, dit-elle. « Mais je reste honnête dans mon mensonge, je montre la manipulation ». Adepte des formes courtes, qu'elle peut alors maîtriser de bout en bout (écriture, filmage, sonorisation, montage, trucages, etc.), Karen Vanderborght accorde une place prépondérante aux femmes dans ses films. « Ce que j'essaie de faire, c'est de le faire... autrement » assène-t-elle à Michel Jakar, pour clore un chapitre qui allait empiéter sur sa vie privée. On pourrait la croire fan de SF et d'horreur tant elle a su pousser sa maîtrise des effets (très) spéciaux. « Mais rien à voir avec l'esthétique MTV », dont elle affirme se méfier. Ce qui lui importe, dit-elle c'est de « ressentir et faire passer le sentiment de perte et de mélancolie ». Et l'on ne sera pas autrement étonné d'apprendre que Bergman, Kubelka, Marker, Fassbender ou même Spielberg comptent au panthéon de ses préférences. Aucun projet de long métrage pour l'instant, mais une diversification du médium avec, ces deux dernières années, l'irruption d'installations puis de performances dans sa filmographie qui, du coup, n'en est plus vraiment une. « Je m'engage sur une voie dangereuse... j'en suis consciente... j'ose aller très loin... c'est ma manière de vivre ». Filmographie et parcours succincts 1993 - « Vrouw in de straat » (vidéo) 1994 - « The queer are dead - Long live the queer » (vidéo) 1994/96 - « Viva » (film) 1995/96 - « What does she see when she shuts her eyes » (film) 1996 - « Maidenspeech - The videoartist » (performance) 1997 - « Strike gently away from body... » (installation)