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Rome, villa Médicis
1983.
L'Académie de France à Rome a été créée en 1666 sous Louis XIV.
A l'origine, les jeunes artistes devaient à la fois compléter leur formation au contact des merveilles de l'Italie et de Rome et fournir en copies et en moulages les palais et les jardins royaux de France.
La Villa Médicis, siège de l'Académie de France depuis son achat par Napoléon en 1803, a une toute nouvelle vocation.
Située sur une colline entre les jardins du Pincio et les escaliers qui vont de la place d'Espagne à l'église Trinita dei Monti est un des plus beaux palais Renaissance d'Italie au centre d'un parc de six hectares.
Chaque année et pour une période de deux ans, une dizaine de lauréats français sont appelés à vivre en ces lieux ou fut emprisonné Galilée, assassinée Messaline et ou Lucullus avais ses jardins.
L'Académie de France à Rome est sans conteste la plus prestigieuse de toutes. Des artistes tels que Courbet, Debussy, Ingres comptèrent parmi les pensionnaires de la célèbre villa. Le peintre Balthus y fut le directeur pendant une quinzaine d'années. Jean Leymarie lui succéda en 1977.
Christian Bussy a filmé la vie et le travail des "pensionnaires" pendant une dizaine de jours en juin 1983.
Historiens de l'art, écrivains, peintres, sculpteurs, graveurs, restaurateurs et architectes se partagent ce paradis romain. A l'abri des regards étrangers, là ils sont payés, logés, blanchis, nourris, aidés par une trentaine de cuisiniers, camériers et jardiniers.
Pour leur éviter tout souci d'ordre matériel, ils reçoivent chaque mois quelque cent mille francs belges hors-taxes. Et pour compléter leur formation, ils se voient offrir au cours de leur séjour, deux ou trois voyages où ils souhaitent partout dans le monde.
Les pensionnaires vivent en célibataires ou en famille; dans ce dernier cas, épouse et enfants bénéficient également de fortes indemnités.
Ce microcosme est-il anachronique en 1983? Le choc du Sud et de la latinité est-il encore efficace? Privilèges ? Magouille? Aubaine?
II faut noter que depuis André Malraux, les pensionnaires ne sont plus tenus de produire un travail précis pour éviter tout corporatisme. Leur travail aujourd'hui est le résultat d'un contrat moral qu'ils se font à eux-mêmes.
Des amitiés se nouent, des dissensions se créent ; la Villa abrite des clans; on se dispute les plus beaux pavillons...
Voici Agathe May, graveur qui, évoquant le site, avoue : "c'est trop beau, c'est trop parfait..."
Ou Michel Orcel, écrivain, qui dit aussi : "après deux ans de vie ici j'éprouve le sentiment qu'on ne peut pas vivre plus longtemps comme ça".
Un compositeur, Denis Cohen, n'est pas moins lucide quand il note : 'Ici on apprend beaucoup à regarder sans rien faire... Je ne pense pas qu'être passé par la Villa soit encore un atout ...Et puis la vie à la Villa ça peut paraître communautaire, mais en fait ça l'est peu!".
Quant au directeur, Jean Leymarie, il constate : « le bonheur qu'on éprouve ici est un bonheur presque insoutenable "
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