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La rage d'écrire - J.M.G. Le Clézio
1966.
Portrait de J. M. G. Le Clézio, écrivain français, né le 13 avril 1940 à Nice.
"Nous vivons dans un monde bien fragile. II faut faire attention où nous posons notre regard, il faut se méfier de tout ce que nous entendons, de tout ce qui nous touche...
Tous les jours, nous perdons la tête à cause d'un peu de température, d'une rage de dents, d'un vertige passager. Nous nous mettons en colère. Nous jouissons. Nous sommes ivres. Cela ne dure pas longtemps, mais cela suffit. Nos peaux, nos jeux, nos oreilles, nos nez, nos langues emmagasinent tous les jours des millions de sensations dont pas une n'est oubliée ... Nous sommes de vrais volcans.
L'écriture, il ne reste que l'écriture, l'écriture seule, qui tâtonne avec ses mots, qui cherche et décrit avec minutie, avec profondeur, qui s'agrippe, qui travaille la réalité sans complaisance ...".
Ces lignes - extraites de la préface de "La Fièvre", le 2è ouvrage de J.M.G. Le Clézio - illustrent, mieux qu'un long commentaire, à la fois le style et le thème profond de l'oeuvre du jeune écrivain. Le Clézio, c'est avant tout cela ; un regard et une conscience sans cesse sur la brèche, sans cesse sur leurs gardes, sans cesse occupés à répercuter en la redressant l'image du monde qui vient buter contre eux.
Pour cet écrivain de 26 ans - rendu célèbre par "Le Procès-Verbal", son 1er roman, grâce auquel il obtint le Prix Renaudot en 1963 - et qui se demande "s'il existe vraiment quelque chose qui s'appelle une pensée", l'objectivité de la science, de même que les prétendues découvertes de la psychologie sont inaptes à résoudre le problème de l'homme dans ses rapports avec l'univers.
Tous les héros de Le Clézio apparaissent, en effet, comme des êtres livrés à la torture du monde, de la société, de leur organisme même, et qui n'ont pour mener ce combat qu'une arme, à la fois absolue et dérisoire : la contestation - tel cet employé d'une agence de tourisme qui, dans "La Fièvre", fait voler en éclats la vitre de son bureau ; tel Adam Polio, héros du "Procès-Verbal " qui, simulant la folie, et permettant ainsi à la Société de le "classer", se dégage une fois pour toutes, en un refus total, de ce monde qu'il estime truqué à la base...
C'est cet homme - écrivain brûlant, passionné, dont l'oeuvre est tout entière commandée par la hantise de l'incommunicabilité - que Jean Antoine est allé interroger, à Nice, où il vivait jusqu'il y a peu de temps.
Il est ensuite parti au Cambodge où il travaille comme professeur de français dans le cadre de la Coopération.
Cet auteur déjà célèbre ne se livre pas facilement.
Aussi est-ce autant à travers son oeuvre que par le jeu des questions et réponses qu'il sera présenté.
Ainsi, nous découvrirons en même temps qu'un des meilleurs écrivains de l'époque, un homme jeune, ouvert aux préoccupations et aux idées de ses contemporains, mais dont la réflexion se fonde essentiellement sur une préalable et radicale mise en question des vérités toutes faites et des dogmes admis.