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Archive(s) - Rencontre Hergé-Thang en 1981
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Point de mire - Hergé et Tchang
Tchang Tchong-Jen : son rôle dans l'oeuvre d'Hergé.
En 1934, après avoir terminé les Cigares du pharaon, Hergé annonce dans le Petit Vingtième que Tintin va poursuivre son voyage vers l'Extrême-Orient. À la suite de cette révélation, il reçoit une lettre qui disait en substance ceci : " Je suis aumônier des étudiants chinois à l'Université de Louvain. Or Tintin va partir pour la Chine. Si vous montrez les Chinois comme les Occidentaux se les représentent trop souvent, si vous les montrez avec une natte - qui était, sous la dynastie mandchoue un signe d'esclavage -, si vous les montrez fourbes et cruels, si vous parlez de supplices chinois, alors vous allez cruellement blesser mes étudiants. De grâce, soyez prudent : informez-vous ! "
C'est ce qu'Hergé a fait. L'abbé Gosset, l'auteur de cette lettre, l'a mis en rapport avec l'un de ses étudiants qui était dessinateur, peintre, sculpteur, poète, et qui s'appelait Tchang Tchong-Jen. C'est ce nom qu'Hergé a donné au jeune Chinois que Tintin rencontre dans le Lotus bleu, qui devient son ami et qu'il retrouvera, beaucoup plus tard, dans Tintin au Tibet. C'est donc au moment du Lotus bleu qu'Hergé découvre un monde nouveau. Pour lui, jusqu'alors, la Chine était, en effet, peuplée de vagues humanités aux yeux bridés, de gens très cruels qui mangeaient des nids d'hirondelles, portaient une natte et jetaient les petits enfants dans les rivières. Il avait été impressionné par les images et les récits de la guerre des Boxers où l'accent était toujours mis sur la cruauté des Jaunes, et cela l'avait fortement marqué.
Grâce à Tchang, il a découvert une civilisation qu'il ignorait complètement et, en même temps, il a pris conscience d'une espèce de responsabilité. C'est à partir de ce moment-là qu'il s'est mis à se documenter sérieusement, à s'intéresser aux gens et aux pays vers lesquels il envoyait Tintin, cela par souci d'honnêteté vis-à-vis de ceux qui lisaient les aventures du reporter. Hergé doit aussi à Tchang d'avoir mieux compris le sens de l'amitié, de la poésie et de la nature. Hergé disait en 1975 : " C'était un garçon exceptionnel, que j'ai malheureusement perdu de vue. J'ai souvent écrit ; parfois je m'informe auprès d'amis chinois. Mais je ne sais pas ce qu'il est devenu. Il m'a fait découvrir et aimer la poésie chinoise, l'écriture chinoise : le vent et l'os, le vent de l'inspiration et l'os de la fermeté graphique. Pour moi, ce fut une révélation. "